Focus
01/06/2011

Essais croisés

Le Comité éthique et cancer

La présidence du Comité éthique et cancer a été saisie par M. Bernard Delorme (Afssaps) à propos des conditions dans lesquelles il convient de mener des essais thérapeutiques préliminaires à l’aide de molécules a priori d’une certaine toxicité, destinées à combattre des maladies cancéreuses ou auto-immunes.
Est particulièrement posée la question de l’administration des doses maximales et de la conduite d’un essai sur un malade atteint d’une autre affection que celle initialement concernée par le médicament testé.

Le principe dominant à prendre en compte dans l’étude de la légitimité des essais cliniques est le rapport bénéfice/risque. Il dérive directement du Code de Nuremberg de 1947 et, depuis la transposition de la directive européenne du 4 avril 2001, a remplacé en France la notion des recherches avec et sans bénéfices directs dont traitait la loi Huriet.
Selon ce principe, un essai de phase 1 sur un volontaire sain doit exclure tout risque anticipé, ce qui n’est pas le cas des chimiothérapies anticancéreuses ou immunosuppressives. Par ailleurs, il faut rappeler que les phases 1 n’ont pas pour but de vérifier l’efficacité d’un produit mais uniquement son innocuité et certains de ses effets biologiques. Pour toutes ces raisons, les phases 1 n’existent en fait quasiment pas dans le domaine de la cancérologie, les essais étant par principe des phases 1/2 qui à la fois poursuivent les buts d’un essai de phase 1 et évaluent un effet thérapeutique espéré, comme dans les essais de phase 2. Dans ce contexte, un essai de phase 1/2 peut comporter l’administration des doses maximales puisque le bénéfice escompté peut apparaître justifier le risque pris.
En revanche, un essai croisé est difficile à justifier à l’aune de ces principes éthiques, à moins que la molécule testée pour une première indication apparaisse, selon des arguments explicites, pouvoir être efficace dans une seconde indication, sur laquelle elle est alors testée à nouveau. Par exemple, un antitumoral testé en phase 1/2 peut constituer un potentiel immunosuppresseur d’intérêt et être testé dans le cadre d’un essai de phase 1/2 chez des patients atteints de formes avancées de maladies auto-immunes.
En revanche, réaliser une vraie phase 1 (c’est-à-dire sans rechercher une efficacité de la molécule) d’un produit anticancéreux dans une maladie différente n’apparaît pas pouvoir être justifié selon les critères éthiques. En effet, dans ce cas, les risques d’aggravation de l’état des patients provoquée par l’administration du produit à dose maximale ne peuvent être justifiés par une efficacité espérée de celui-ci.