Focus
01/11/2008

Réussir le dépistage organisé du cancer du sein

Jean-Pierre Giordanella, médecin de santé publique

En compromettant le caractère égalitaire et éthique d’une démarche fondée sur l’adhésion du plus grand nombre, l’inobservance du protocole du dépistage organisé du cancer du sein peut-elle mettre en péril l’ensemble du dispositif et créer les conditions d’un accroissement des inégalités.

Les données publiées récemment par l’Institut de veille sanitaire (InVS) sont éloquentes : 2,1 millions de femmes ont participé au dépistage organisé du cancer du sein en 2007, soit un peu plus de la moitié de la population cible, et 12 413 cancers du sein ont été découverts en 2005, soit 42 % des cas affectant la tranche d’âge des femmes de 50 à 74 ans. Ces chiffres remarquables soulignent également une réalité contrastée. Tous les départements ne sont pas au même niveau de participation et si vingt d’entre eux ont atteint ou dépassé 60 %, beaucoup d’autres n’atteignent pas la moyenne et quelques uns ont des taux faibles, de l’ordre de 30 %.

Accessoire pour les unes…

Des gains incontestables sont bien observés mais l’objectif de 70 % de participation n’est pas encore atteint et l’on ne peut ignorer par ailleurs que le taux de couverture globale - totalisant le dépistage individuel et le dépistage organisé -, est plus élevé.
Ceci montre à l’évidence que nombre de femmes ne participent pas ou insuffisamment au dépistage organisé. Parmi elles, les femmes socialement vulnérables et éloignées des pratiques de prévention auxquelles il convient de porter une attention toute particulière, tant il est vrai - et de nombreuses études l’ont montré -, qu’il existe bien un lien entre la santé d’une personne et sa position dans la hiérarchie sociale. Leur faible participation au dépistage organisé en est une illustration de plus.
C’est pourquoi la réduction des inégalités est au cœur des politiques sociales et les valeurs de solidarité et de justice sociale constituent un enjeu pour tous : responsables institutionnels, professionnels de santé, éducateurs, associations partenaires…

…contraignant pour d’autres

Pour d’autres, plus nombreuses encore, la pratique d’un dépistage individuel demeure inchangée. Plusieurs éléments sont avancés pour l’expliquer tels que l’ancienneté des pratiques, l’absence de prescription directe, les déterminants sociaux économiques voire les contraintes du dépistage organisé.
Cette réalité, plus marquée dans certains départements que dans d’autres, et dont la pertinence n’est plus établie, appelle à renforcer la communication sur les qualités du dépistage organisé et invite à accompagner plus fortement les praticiens dans l’information  et les conseils qu’ils prodiguent à leurs  patientes.
Sans cela un risque existe de prêter moins de crédit au dépistage organisé, d’en diminuer l’étendue et l’efficience et partant, de maintenir les inégalités sociales dont la réduction - par l’équité d’accès et l’adhésion volontaire -, représente un impératif éthique.