Saisine n°33

du 15 février 2016

Le prix du médicament doit-il obéir à la loi du marché et peut-il être fixé en fonction du service rendu ?

Saisine discutée

lors de la session plénière du 15 février 2016

Personne(s) auditionné(es)

Jean-Paul Vernant, hématologue, hôpital de la Pitié-Salpêtrière

Rapporteur(s)

A définir

Membres du groupe de travail

Philippe Amiel, Alain Bouregba, Mario di Palma, Michel Ducreux, Jean-Pierre Escande, Christiane Étévé, Francis Larra, Anne Malca, Françoise May Levin, Jean Michon, Marie Lanta, Catherine Vergely

Descriptif saisine

« L’augmentation du prix des nouveaux médicaments en cancérologie met en danger, à court terme, notre système de santé qui ne pourra plus financer l’accès aux innovations thérapeutiques, s’alarme la Ligue contre le cancer. Comme cela vient de se passer en Grande-Bretagne, le risque est […] grand qu’en France les patients se voient bientôt refuser un traitement parce que son coût est devenu trop élevé pour l’assurance maladie. […] Il y a un risque que seuls quelques patients, pouvant financer eux-mêmes leur traitement, puissent accéder à certains médicaments. 1»
Ces dernières décennies, le champ de la cancérologie est particulièrement concerné par l’augmentation des dépenses de santé en raison des progrès importants obtenus, notamment avec les thérapies ciblées et le recours croissant aux techniques de génomique et de génétique. Cela est-il suffisant pour expliquer les coûts pratiqués sur les molécules innovantes ?
« Ce coût exorbitant est calculé en réalité sur ce qu’un marché national est en mesure de supporter », affirme l’hématologue Jean-Paul Vernant2. Dans quelle mesure cette logique économique peut-elle s’appliquer aux médicaments innovants qui visent à améliorer la santé des personnes ? Une fois mis sur le marché, ces médicaments innovants sont-ils assimilables à des biens de consommation comme les autres ? Le fait que les médicaments relèvent d’une nécessité et non d’un choix pour les personnes malades ne justifie-t-il pas que les principes de bienfaisance et d’équité soient légitimement invoqués pour contraindre la logique de fixation du prix des médicaments entre les laboratoires pharmaceutiques et le CEPS (Comité économique des produits de santé) ? En outre, le prix des médicaments peut-il être fixé en fonction du service rendu, à savoir le nombre de vies sauvées par ceux-ci3,4 ?
Une nouvelle approche économique justifiant le prix du médicament tendrait à voir le jour. Celui-ci serait motivé par le gain de productivité retrouvé chez une personne, une fois celle-ci en rémission ou guérie. Si cette approche venait à émerger, que deviendraient les personnes retraitées ou handicapées pour qui un médicament onéreux pourrait être éventuellement refusé au motif qu’il n’y aurait pas de « retour sur investissement » ? Dans quelle mesure cette approche bat en brèche les principes d’équité et de justice ?

 

Notes

  • 1. Godet Jacqueline, « Cancers : pourrons-nous tous être soignés en 2016 ? » in Marianne n°281 du 29 janvier au 4 février 2016, p. 52
  • 2. Le prix du Glivec®, un traitement utilisé (Novartis) a été multiplié par trois en une dizaine d’années.
  • 3. Le Tarceva®, un traitement utilisé contre certains cancers bronchiques, coûte aux États-Unis plus de 78 000 dollars par an pour chaque patient traité alors qu’il pourrait être copié pour 230 dollars.
  • 4. Le laboratoire produisant le Sofosbuvir® justifie de prix hors normes en arguant que ce produit, guérissant plus de 90 % des personnes malades atteints par le virus de l’hépatite C, évite les dépenses qu’engendreraient cancers du foie, cirrhoses, greffe hépatiques…