Avis n°4

du 13 octobre 2009
Faut-il informer un préadolescent de 14 ans dont la fertilité a été gravement altérée par un traitement qu’il a reçu à l'âge de 2 ans et qui a permis de le guérir d'un cancer ?

La fertilité d’un préadolescent de 14 ans a été gravement altérée par un traitement qu’il a reçu à l’âge de 2 ans et qui a permis de le guérir d’un cancer. Ses parents ont été informés de cette situation. En revanche, l’information ne lui a pas été communiquée jusqu’à présent. Ce jeune garçon va actuellement très bien ; il mène une vie sociale et scolaire normale. Il est toutefois totalement silencieux sur sa maladie et ne pose jamais aucune question sur celle-ci.
L’oncologue et le médecin traitant qui le suivent sont en désaccord sur le fait de l’informer sans attendre davantage de son hypofertilité, voire d’une probable infertilité. Ils saisissent le comité éthique et cancer afin qu’il les oriente dans leur décision, qu’ils souhaitent commune.


 

La situation exposée révèle une tension éthique entre, d’une part, le principe de non-malfaisance et, d’autre part, le respect de l’autonomie de la personne. Au regard du principe de non-malfaisance, il est possible de considérer que le fait d’apprendre à un préadolescent une stérilité ou une hypofertilité vraisemblable risque de le perturber gravement à un moment où il est en pleine construction identitaire et alors que la question de la paternité ne se posera vraisemblablement à lui que bien des années plus tard. A contrario, cette information peut être considérée comme étant essentielle, car elle aura des répercussions sur sa vie d’adulte, et il paraît important que ce garçon puisse la détenir afin de se l’approprier et de l’intégrer dans sa construction identitaire. De surcroît, l’expérience montre qu’une annonce de stérilité survenant lorsque la vie sexuelle d’une personne a commencé peut constituer un traumatisme violent.

RESPECT DE L’AUTONOMIE

Après discussion, le comité éthique et cancer estime que le respect de l’autonomie de l’individu doit primer dans le cas présent puisque l’information à délivrer engage l’avenir de la personne. Pour le comité, il n’est que temps d’informer ce préadolescent de son hypofertilité, considérant qu’il est préférable que cette annonce intervienne avant la fin de sa prépuberté.
Les modalités de cette annonce sont cruciales. Outre la nécessité d’une approche le plus humaine possible, le comité tient à souligner plusieurs aspects susceptibles de faciliter dans une certaine mesure la communication de cette information ainsi que son appréhension par le garçon :
– Il serait judicieux dans un premier temps d’amener ce dernier à exprimer ses interrogations à l’égard de la maladie qu’il a connue, mais dont il ne garde certainement pas de souvenirs conscients. Ce peut être par exemple à l’occasion d’une consultation destinée à faire le point sur son suivi et conduisant à aborder toutes les autres conséquences médicales à long terme du traitement reçu.
– Il paraît également utile de bien situer l’hypofertilité comme la conséquence d’un traitement qui lui a, avant tout, sauvé la vie dans son enfance. Il s’agit d’ouvrir un espace de réflexion pouvant aider ce garçon à relativiser la violence que porte l’information qui lui est communiquée. À ce titre, le comité estime que, dans l’idéal, l’annonce doit être réalisée par le médecin qui a assuré la prise en charge thérapeutique.

HYPOFERTILITÉ, SEXUALITÉ ET PATERNITÉ

– Il importe lors de l’annonce que soit bien distinguée la question de la fertilité de celle de la sexualité. Le message délivré doit parfaitement faire comprendre, surtout chez un préadolescent, que l’hypofertilité n’a pas de répercussion sur ses capacités sexuelles et sur l’épanouissement de sa sexualité.
– Enfin, il est tout aussi important de préciser qu’une infertilité n’exclura pas, le moment venu, le désir de paternité de pouvoir se concrétiser, la filiation strictement biologique n’étant pas l’unique mode d’expression de la paternité, celle-ci possédant une dimension affective, tout aussi sinon plus importante. Par ailleurs, en cas d’hypofertilité, rien ne dit que les progrès de la procréation médicalement assistée qui seront réalisés au cours des dix à vingt années à venir ne permettront pas de remédier à celle-ci.