Avis n°7

du 21 novembre 2009
Quelle information donner à une personne atteinte d’un cancer grave qui, avec les traitements, se chronicise ?

Les progrès thérapeutiques obtenus au cours des dernières années font que de plus en plus de patients atteints de cancers à un stade avancé bénéficient d’une vie prolongée avec la maladie, alors même qu’aucune guérison ne peut être envisagée. Il s’agit d’une situation inédite dans l’histoire de la cancérologie qui conduit à s’interroger sur les modalités d’information et d’accompagnement de ces patients par les professionnels de santé. Le comité éthique et cancer s’est intéressé à cette question et propose ici, à défaut de recommandations précises, des éléments de réflexion susceptibles d’orienter tant les équipes soignantes que les patients.


 

La situation de patients atteints d’un cancer à un stade avancé mais qui se chronicise grâce aux progrès thérapeutiques est de plus en plus commune et requiert de la part des professionnels de santé la nécessité de réfléchir à la façon d’informer et d’accompagner ces patients qui bénéficient d’un « temps avec la maladie » que l’on ne voyait que rarement auparavant. Il est pour cela nécessaire, en premier lieu, de tenter de cerner les implications qu’entraîne cette situation nouvelle, tant pour les patients que pour les professionnels de santé.

CONSTATS

– Une nouvelle image de soi. Alors que l’annonce du cancer conduit le patient et ses proches à un bouleversement total de leur vie, les amenant plus ou moins brutalement à intégrer l’idée de la maladie et de la mort dans un avenir proche, la chronicisation du cancer introduit à nouveau un changement radical de perspective nécessitant un énorme effort d’adaptation. Cela peut, à l’évidence, induire d’importantes difficultés pour le patient et ses proches à se resituer dans cette nouvelle perspective et cette nouvelle image de soi.
– Une incertitude permanente. La chronicisation de la maladie s’accompagne d’une incertitude quant à l’évolution de celle-ci et donc quant à l’avenir. Le patient se retrouve ainsi en situation de savoir qu’il a du temps devant lui, mais sans en connaître ni la durée ni les circonstances dans lesquelles il va devoir vivre avec la maladie (selon notamment que les symptômes de celle-ci seront peu ou très présents). Cette incertitude est de surcroît partagée par le médecin, qui ne peut prédire à long ni même à moyen terme les modalités d’évolution de la maladie ; les résultats d’examens réguliers ne permettent en effet que de déterminer la situation présente et probable à court terme. Cette incertitude place dès lors le patient en insécurité, dont l’intensité est plus ou moins forte selon les moments et les circonstances.
– Le retour au quotidien. Bien que suivi régulièrement par l’équipe médicale, un patient atteint d’un cancer en phase d’évolution chronique se retrouve en situation de devoir réintégrer davantage sa vie « d’avant ». Cela signifie des contacts moins fréquents avec les professionnels de santé, notamment hospitaliers, qui peuvent générer un sentiment d’abandon difficile à vivre. De surcroît, la chronicisation de la maladie confère à celle-ci une forme de banalisation, en particulier aux yeux de l’entourage, qui peut alors être moins présent et/ou prévenant, concourant à accroître le sentiment de solitude du patient. Sur le plan matériel, le retour à domicile peut par ailleurs exposer ce dernier à des difficultés importantes (préparation et prise des repas, difficultés financières, par exemple) dès lors que ce retour s’inscrit dans le long terme.

ORIENTATIONS

Partant de ces constats, le Comité éthique et cancer s’est attaché à définir les grandes orientations susceptibles de convenir à l’information des patients dans cette situation.
– Il n’existe pas une information à délivrer au patient mais de multiples informations concernant un ensemble d’aspects et qui relèvent de la compétence de différents professionnels. À côté de l’information médicale proprement dite ne doivent surtout pas être négligés les aspects sociaux et le soutien psychologique, qui peuvent être cruciaux pour l’équilibre du patient et sa qualité de vie. Il importe également que les différents intervenants puissent, autant que cela soit possible, se coordonner au regard des informations qu’ils délivrent au patient.
– Aucune information concernant le patient ne doit lui être cachée, car, compte tenu de l’incertitude de l’avenir, il est essentiel que le patient soit totalement impliqué dans les décisions médicales le concernant. Sachant que la maladie ne pourra pas être guérie, l’objectif du ou des traitements proposés vise à prolonger au maximum la vie avec la meilleure qualité possible. Or, les conditions de cette qualité de vie peuvent être très variables d’un patient à un autre, et seul chacun est en mesure d’exprimer ce qu’il souhaite pour lui-même.
– L’information délivrée au patient doit pour autant être adaptée à sa capacité à l’entendre et à l’intégrer. Dans une situation d’insécurité, le patient peut parfois préférer éluder ou filtrer tout ou partie de ce qui lui est dit, afin de se protéger. Sa demande et son besoin d’information n’en restent pas moins réels et constants.
– L’information à délivrer s’apparente ainsi à une forme de pédagogie qui s’inscrit dans le temps et qui s’adapte à la fois au patient et à l’évolution de sa maladie. Elle participe ainsi pleinement à l’accompagnement du patient et contribue à éviter ou à limiter le sentiment d’abandon que celui-ci est susceptible de ressentir.
– Dans cet accompagnement, il importe que les différents intervenants respectent le projet de vie du patient, quand bien même celui-ci pourrait leur paraître déraisonnable au regard de la situation. C’est dans la mesure où l’information délivrée sera juste et précise, tout autant qu’elle puisse l’être, que les intervenants peuvent permettre au patient d’accorder, si nécessaire et souhaité par lui, son projet de vie à sa coexistence avec la maladie.
– Les professionnels impliqués auprès du patient se doivent ainsi de trouver un équilibre dans l’information qu’ils délivrent afin de ne pas donner un trop grand espoir au patient tout en évitant qu’il ne sombre dans la désespérance.
– Pour le patient, il importe avant tout que l’information qui lui est délivrée lui permette de préserver du mieux possible, dans la situation qui est la sienne, son autonomie.