Édito
01/11/2009

Cas pratique

Gilles Errieau, médecin généraliste et président de MG cancer

La médecine réserve parfois d’étranges aventures, des prolongements parfois inattendus aux soins prodigués, en particulier en cancérologie.
Quand le diagnostic « tombe », neuroblastome de stade IV chez un petit enfant de 18 mois, la consternation de ses parents et des soignants est extrême. Les chances de guérison sont, à l’époque, estimées à moins de 15 % par le chef de service en oncopédiatrie. Le traitement est terrible, épuisant pour le petit malade, anxiogène pour sa famille. Chirurgie puis chimiothérapie agressive et enfin radiothérapie. Les mois se succèdent et le sentiment d’alors est que cette épreuve ne s’achèvera jamais. Pourtant, cette phase thérapeutique se termine. L’espoir, ce mot qui était interdit, réapparaît timidement.
Douze années ont passé. Le petit enfant est devenu un robuste adolescent. La surveillance annuelle serait un simple moment ritualisé si elle n’était pas orientée vers des manifestations tardives d’effets secondaires des traitements de la tumeur. Ces traitements ont indiscutablement servi cet adolescent, parce que, tout simplement, il est vivant et la tumeur a été éradiquée.
Le prix physiologique à payer n’apparaît donc que tardivement sous forme d’effets secondaires. L’audiogramme est perturbé, mais l’adolescent nous affirme que cela ne le gêne guère pour profiter de son loisir favori : écouter de la musique. La fonction cardiaque pourrait être altérée, mais le garçon nous signale qu’il est très performant lors des cours d’éducation physique. Ces écueils écartés, il reste une question difficile, l’évaluation des effets pérennes de la chimiothérapie subie dans la petite enfance sur sa fertilité. Hypofertilité, stérilité temporaire ou définitive ? Faut-il en informer l’adolescent ? Dès à présent ? L’oncopédiatre et le médecin se concertent mais ne parviennent pas à apprécier également la situation. L’oncopédiatre insiste sur la nécessité d’informer sans retard le jeune ex-malade. Le médecin traitant est plus réticent, inquiet de la violence de cette information à cet âge.
C’est pourquoi le dossier a été soumis au comité éthique et cancer à la demande des deux médecins. La réflexion collective, éclairante, précise et nuancée, a conclu à la nécessité d’une première information de l’adolescent sur le risque élevé d’hypofertilité/stérilité qui le concerne.
Informé, l’adolescent estime que ses médecins sont peut-être anxieux, en tout cas plus que lui pour l’instant. À charge pour son médecin traitant et son oncopédiatre de lui reparler de cela le moment venu.