Focus
01/03/2009

Le dispositif d’annonce, une sensibilisation nécessaire qui a des limites

Mario di Palma, oncologue à l'IGR

Le dispositif d’annonce est l’une des mesures emblématiques du Plan cancer. Il répond à une demande des patients formulée lors des 1ers États généraux des malades atteints de cancer organisés par la Ligue contre le cancer en 1998. Son objectif est de leur faire bénéficier de meilleures conditions d’annonce du diagnostic de leur maladie. Or, comme tout dispositif, celui-ci est normatif et peut poser certaines questions.

Annonces brutales non accompagnées, quelquefois énoncées dans un couloir, délivrées par téléphone, voire par courrier comptent parmi les expériences malheureuses rapportées par des patients pour lesquelles l’annonce de la maladie cancéreuse s’est faite dans des conditions inacceptables. Dès lors, il est apparu impératif de mettre l’accent sur l’importance de l’annonce de la maladie dans le parcours d’un patient atteint d’un cancer. Rappelons ici que le dispositif d’annonce, élaboré à la suite des 1ers États généraux organisés par la Ligue contre le cancer en 1998, est l’une des mesures emblématiques du Plan cancer (2003-2007). Conformément à ce dernier, il a été demandé à tous les établissements de santé accueillant des malades atteints de cancer de mettre en place cette procédure spécifique qu’est le dispositif d’annonce, détaillé dans la mesure 40 du Plan cancer.

Une ou des annonces ?

Plus que de l’annonce, ce sont des annonces qu’il faut parler, car il y a, on le sait bien, dans le parcours d’un patient, plusieurs étapes charnières, qui constituent autant de moments qui vont construire (ou détruire) la relation particulière qui se noue entre le patient, le médecin et l’équipe soignante qui le prend en charge. C’est d’abord l’annonce du diagnostic de la maladie elle-même, mais également l’annonce des traitements avec le cortège des effets secondaires, voire de séquelles ; c’est aussi l’annonce de la rechute, parfois celle de l’échec du traitement, voire de l’arrêt des traitements spécifiques. Mais ce peut être aussi une annonce positive : l’annonce du succès d’un traitement, d’un geste chirurgical, la régression partielle ou complète de la maladie avec une chimiothérapie. Même dans ces cas, les annonces méritent également d’être données avec précaution et explications. Elles se doivent de respecter l’histoire particulière du patient. Tous ces moments forts ponctuent le parcours du patient et sont autant de points d’étape qu’il ne faut pas rater, au risque de conséquences parfois catastrophiques.
On peut regretter que des médecins et des soignants n’aient pas conscience par eux-mêmes de l’importance de ces moments d’annonce et qu’il faille les inciter, de façon plus ou moins coercitive, à s’organiser de façon satisfaisante et, savoir s’entourer. Car à comme souvent dans la prise en charge d’un patient souffrant d’un cancer, la réponse doit être pluridisciplinaire, pluriprofessionnelle et concertée. C’est là où réside tout l’intérêt du dispositif d’annonce. L’assistance d’une équipe (l’infirmière de consultation, le psychologue, etc.) permet, tout en soutenant l’un et l’autre, de dépasser le colloque singulier entre le patient et le médecin, quelquefois trop restrictif. En effet, même en y mettant toutes les formes que l’on voudra, une annonce est toujours un moment d’une grande violence, en premier lieu pour celui qui la reçoit, mais également pour celui qui la délivre. Se douter que l’on est atteint d’une maladie grave est une chose, en avoir la confirmation en est une autre. Cette entrée dans la maladie va souvent conditionner une bonne partie de la relation thérapeutique ultérieure.

Les limites du dispositif

Le dispositif d’annonce doit être perçu comme une aide, un soutien, un moyen d’améliorer la prise en charge des patients. Son but est d’assurer au plus grand nombre les conditions minimales de la qualité de celle-ci. Cependant, il ne faudrait pas que le défaut d’informations ou l’inhumanité que peut représenter un diagnostic et, implicitement, un pronostic délivré à la hâte et sans empathie soit remplacé par un système, qui, en normalisant l’annonce, évacuerait la spécificité de la relation singulière qui s’établit entre le patient et le médecin qui le prend en charge.
On pourrait, en caricaturant le trait, imaginer un processus d’annonce dans lequel les patients recevraient une information parfaitement calibrée, reposant sur des statistiques validées, dans des conditions pensées comme idéales (consultation prolongée, suivie d’une consultation systématique avec une infirmière et un psychologue au moment d’un éventuel décours) et exonérant alors le médecin de toute action spécifique et particulière propre à sa personnalité. La nécessité de délivrer une information scientifiquement prouvée ne doit pas faire oublier que chaque patient a son histoire, et que chaque histoire est différente et qu’elle mérite un traitement particulier.
La relation qui s’établit entre le patient et le médecin est avant tout une relation humaine avec tout ce que cela comporte d’imperfections obligatoires. Le dispositif d’annonce est une aide et non une finalité, et ne peut pas être une négation de la difficulté qui existe de toute façon lors d’une annonce. D’autre part, il doit clairement être adapté en fonction des ressources de chaque centre, mais également des types de prise en charge et des pathologies concernées.

Ne pas oublier l’entourage et le médecin généraliste

Il faut par ailleurs souligner que l’annonce ne concerne pas seulement le patient et le médecin, mais aussi son entourage et l’ensemble de l’équipe soignante : c’est là où se trouvent les ressources dont aura besoin le patient tout au long de son parcours.
Un des problèmes du dispositif d’annonce actuel reste l’absence de place donnée au médecin généraliste qui, pourtant, est en première ligne, d’autant plus que ces patients vont rester de moins en moins souvent hospitalisés. C’est le médecin généraliste qui les connaît généralement le mieux et qui, contrairement à ce que l’on croit, revendique souvent de garder cette place privilégiée auprès du patient atteint d’une maladie grave.
Pour autant, le risque contenu dans le dispositif d’annonce est d’exclure le médecin généraliste de la prise en charge du patient. Il convient donc de réfléchir à une façon de l’intégrer au sein de celle-ci pour qu’il puisse jouer pleinement son rôle d’acteur primordial.
Le soutien et l’empathie ne doivent pas se limiter à l’annonce. Ils sont nécessaires tout au long de la maladie, et même au-delà, pour permettre un réel accompagnement.