J’ai plusieurs fois eu l’occasion de rappeler ce qu’il fallait entendre par « éthique » dans un intitulé tel le Comité éthique et cancer : la réflexion et les actions concourant à la « vie bonne », c’est-à-dire la plus conforme possible aux préceptes du bien, ou qui évitent du moins au maximum le mal, accompagnées d’une spécification des valeurs qui les fondent. Ces valeurs ne peuvent être étrangères à la morale, définie comme une science du bien et du mal ; l’éthique peut ainsi être vue comme une morale de l’action, une morale en action.
La difficulté de la pratique de l’éthique dans une société multiréférentielle, multiconfessionnelle et qui comprend une importante proportion d’athées et d’agnostiques, est l’absence de source unique de préceptes moraux. La laïcité dont notre pays est le champion implique un respect a priori des différents corpus moraux compatibles avec les principes et règles républicains mais le refus absolu d’accorder la prééminence à certains. En démocratie, c’est au peuple dans sa diversité de définir ce qu’il considère légitime ou non. En ce sens, la multiplicité des points de vue, parmi lesquels ceux qui s’appuient sur des enseignements religieux dont se réclament des citoyens, sont des éléments de la richesse du débat démocratique qui ne peut être subverti par une opinion particulière.
Les comités d’éthique ne sont pas des structures démocratiques et ne peuvent prétendre dans un pays tel que le nôtre à une légitimité de cet ordre. Leur influence est liée aux prérogatives qui leur sont le cas échéant accordées par la loi ou décrets des instances de l’État et, surtout, à la considération que les citoyens ont pour eux, de ce fait à la confiance qu’ils inspirent. Or cette dernière implique qu’ils se soumettent eux-mêmes au principe de la laïcité, qu’ils considèrent la diversité des opinions particulières en évitant de donner plus d’importance à certaines qu’aux autres. Tel est strictement la règle que s’impose, pour sa part, le Comité éthique et cancer. Il entend, concernant les sujets traités, les analyses et propositions inspirées par des écoles confessionnelles ou philosophiques, les intègre en tant qu’éléments de sa réflexion, les voit par conséquent comme des contributions au débat pluriel, et s’accorde sur des avis fruits de ce dernier.
Le plus souvent, les valeurs partagées de respect de la personne aboutissent à une position unanime au sein du comité. D’autres fois, illustrées par nos travaux récents sur la fin de vie, l’avis adopté présente avec objectivité les points d’accord, les divergences et leurs fondements. C’est à ce prix que notre comité mérite d’être considéré par tous, au-delà de leurs opinions particulières.