Point de vue
30/01/2023

Fin de vie et aide active à mourir : la synthèse de l’avis du comité

L’accès à des aides actives à mourir (assistance au suicide, euthanasie), actuellement prohibé, est au centre de débats anciens qui trouvent une actualité nouvelle avec les consultations souhaitées par le président de la République sur l’évolution éventuelle du cadre légal de la fin de vie. La question est celle de la complémentation de la loi. Celle-ci permet déjà, dans certaines situations, la sédation profonde et continue jusqu’au décès pour des personnes malades dont la souffrance ne peut être soulagée et qui en font la demande. Mais elle peut ne pas répondre pas à certaines situations de personnes qui ne sont pas en fin de vie, mais dont on peut comprendre humainement leur souhait de hâter leur fin.

Les avis sur le sujet, dans la société et au sein du Comité éthique et cancer, se construisent à partir de croyances et de conceptions du bien et du juste profondément hétérogènes débouchant sur des positions consistantes sur le plan éthique, mais radicalement opposées. Plutôt que l’échange interminable d’arguments, le Comité éthique et cancer a privilégié dans ses travaux l’élucidation des systèmes de raisons qui fondent les positions des uns et des autres, la reconnaissance des désaccords et la recherche de conciliations pratiques qui permettraient de faire prospérer le vivre-ensemble dans le respect des divergences.

Nourris par l’audition de différentes personnalités, ces travaux ont permis d’identifier trois « scénarios » d’évolution (ou non) du cadre légal actuel de la fin de vie. Le premier consiste précisément en une abstention de légiférer davantage avec une priorité accordée à une meilleure application des dispositions existantes, ce qui éviterait, selon les partisans de cette option, la transgression d’un interdit central sur les plans symbolique et moral. Le deuxième scénario est celui d’une évolution de la loi qui dépénaliserait, dans certaines conditions, l’assistance au suicide, privilégiant l’autonomie de la personne par rapport à d’autres principes éthiques (bienfaisance et non-malfaisance, essentiellement). Cette option est le plus souvent admise comme celle qui permettrait de faire droit — au moins partiellement — à la demande sociétale sans s’engager dans des dispositifs qui permettraient de donner la mort directement. Le troisième scénario radicalise le primat accordé au respect de l’autonomie de la personne en dépénalisant, outre l’assistance au suicide, l’euthanasie lorsqu’elle est demandée par la personne concernée.

Avant tout, le Comité éthique et cancer rappelle avec la plus grande force que la société ne saurait souhaiter que disparaissent des vies qui pourraient se poursuivre : sa vocation anthropologique propre est d’assurer la sécurité de tous, de ne pas abandonner et de soutenir les plus faibles, et d’accompagner ceux qui souffrent. Ainsi, dans tous les scénarios envisagés une place à la prévention et à la dissuasion du suicide — par la proposition d’alternatives (prise en charge palliative, mise en relation avec des écoutants ou des psychologues, etc.) — devra impérativement être faite.

Le Comité estime nécessaire également que, quel que soit le scénario envisagé, la prise en charge de la fin de vie et l’accès à des soins palliatifs de qualité soient significativement améliorés. Le Comité appelle résolument à une politique sur ce terrain beaucoup plus radicale qu’elle ne l’est, impliquant nécessairement des révisions en profondeur de l’organisation du système de santé, de sa dotation en moyens, de la formation médicale, et de l’information du public.

Le Comité éthique et cancer estime que, s’il était constaté par le législateur que la loi actuelle ne permet pas de répondre à certaines situations, une dépénalisation de l’assistance au suicide pourrait être admise à de strictes conditions. Une « clause de conscience » protégerait les professionnels de santé de participer à des actes que leurs convictions réprouveraient.

En raison des oppositions très vives que suscite, au sein des professions de santé, l’euthanasie pratiquée à la demande de la personne concernée, le Comité considère que cette option d’évolution législative ne peut, en l’état actuel des choses, être recommandée.

Les grandes lois « sociétales » (IVG, mariage pour tous), dans notre société démocratique et pluraliste, reposent sur des conciliations qui permettent de faire coexister des conceptions morales parfois très opposées Le régime de la laïcité républicaine est l’un de ces dispositifs exemplaires organisant à la fois la liberté de croyance pour tous et la neutralité des institutions publiques. C’est à l’élaboration d’un dispositif de conciliation de ce type qu’est confrontée la société aujourd’hui sur la question de la fin de vie. Le Comité éthique et cancer relève que la compréhension de nos divergences et le respect de nos désaccords en la matière en sont des ingrédients primordiaux.