Les avancées technologiques de la biomédecine nous interrogent pour savoir si elles correspondent bien à un progrès pour l’humanité. Les succès spectaculaires de la science et des technologies repoussent les limites du possible. Cette évolution conduit parfois la société à vouloir repousser les limites de l’interdit.
Nous devons entretenir un équilibre fragile : s’assurer que la recherche ne transgresse aucun des principes fondamentaux qui constituent le socle de notre société et dénoncer les excès de ceux qui voient dans les avancées de la science des dangers potentiels. Il s’agit là d’un équilibre et non d’un consensus ni d’un compromis. L’histoire nous a montré dans quelle direction la balance pouvait incliner. Nous en retirons un sentiment naturel de peur. Par-delà la peur, la connaissance de notre histoire collective nous a fait perdre notre innocence. Oserions-nous encore prétendre que la science ne puisse pas être instrumentalisée pour repousser les limites de l’intolérable ?
C’est dans ce contexte que l’annonce d’un hôpital londonien d’avoir évité la naissance d’un enfant devant supporter le fardeau qu’aurait été le risque génétique de développer un cancer du sein ou de l’ovaire est apparue comme un progrès pour certains et comme une menace pour d’autres. Ce sont plutôt ces derniers qui ont sollicité la Ligue contre le cancer pour que son comité éthique et cancer rende un avis. On a évoqué le risque de dérive eugéniste. C’est vrai, la question se pose. Mais quand le premier « bébé-éprouvette » est né en 1978, s’est-on posé la question des portes que cela ouvrait vers le diagnostic préimplantatoire, et donc le questionnement actuel ? Et si l’on avait su, aurait-on renoncé ? La science a progressé, notre maîtrise technologique des premiers stades de la vie s’est développée. Ainsi s’est évanouie notre innocence devant ce que nous voudrons en faire. Seule une réflexion éthique approfondie nous aidera à assumer demain les choix que nous sommes amenés à faire aujourd’hui.