Focus
01/12/2014

Quelles réponses apporter face au refus de soin motivé par une appartenance confessionnelle ?

Axel Kahn, président du Comité éthique et cancer

« Un patient hospitalisé atteint d’un cancer est membre d’un mouvement de nature confessionnelle et refuse à ce titre tout médicament ou transfusion sanguine. Le corps médical se trouvant dans l’embarras a sollicité l’avis du Comité éthique et cancer pour ce cas. »

La présente saisine transmise requérait une réponse urgente et n’a pu de ce fait être étudiée par l’assemblée plénière du Comité éthique et cancer.

Le refus de soins spécifiques et de transfusion sanguine par des patients qui se réclament de mouvements confessionnels ou ésotériques  constitue une situation qui a maintes fois été arbitrée, par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), les instances professionnelles, et même les tribunaux. Voici à partir d’avis rendus antérieurement, des textes déontologiques et de la jurisprudence quelques éléments de réponse susceptibles de guider le corps soignant dans l’attitude à adopter.

1. L’autonomie des personnes doit en toute circonstance être respectée dès lors qu’elle ne s’exerce que sur elles-mêmes, ce qui est le propre d’une autonomie mais est battue en brèche lorsque des parents s’opposent à des soins salvateurs pour leurs enfants. Tel  n’est pas le cas auquel le corps médical est confronté dans la saisine objet de cette lettre. Le principe du consentement « libre, express et éclairé » est absolu et s’applique ici. De ce principe découle que nul médecin ou autre soignant n’est justifié à administrer contre son gré un traitement à un patient conscient qui n’y consent pas.

2. Bien entendu, le corps soignant doit clairement aviser le patient des conséquences probables de sa décision et requérir que son « non consentement », libre et éclairé, soit lui aussi express et fasse ainsi l’objet de la signature d’un document explicite.

3. Il est possible, voire souhaitable, que le corps soignant requiert, avec l’accord du patient et si elle est possible, la médiation de tiers, autorités communautaires ou religieuses. Certains responsables de mouvements assimilés à des sectes confortent en général hélas les patients dans leur détermination.

4. Si une intervention chirurgicale est requise, le chirurgien peut s’engager à tenter de ne pas pratiquer de transfusion de sang de donneur. Il doit pourtant aviser le patient que si les conditions hémorragiques de l’intervention l’exigent, il sera tenu par ses propres règles déontologiques et morales d’utiliser des transfusions pour préserver la vie de la personne. Si cette dernière continue de s’y opposer même dans une telle situation, le chirurgien peut – ou doit – refuser de pratiquer l’intervention.

5. Quels que soient les sentiments et convictions des membres du corps soignant, ce dernier en tant qu’institution ne doit pas porter de jugement moral sur l’exercice par le patient de son autonomie. De plus, écartant tout réflexe « punitif », il doit s’efforcer de déterminer en quelle mesure il peut néanmoins prodiguer des soins utiles auxquels le malade consente.