Cannabis dans un contexte thérapeutique, une interdiction inéthique?
Saisine discutée
lors des sessions plénières du Comité éthique et cancer du 15 janvier, 14 mai et 15 octobre 2018 et lors des réunions du groupe de travail du 18 avril et du 4 juillet 2018.
Personne(s) auditionné(es)
- Mme Cécile Riou, secrétaire générale adjointe, CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme) ;
- Dr Ruth Gozlan, chargée de mission Santé, Mme Fanny Huboux, chargée de mission Justice, MILDECA (Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues et les Conduites Addictives) ;
- Mme Christine d’Autume, présidente du conseil d’administration, OFDT (Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanie) ;
- Pr Nicolas Authier, médecin psychiatre, chef du service de pharmacologie médicale et du centre d’évaluation et de traitement de la douleur au CHU de Clermont-Ferrand. Le Pr Authier est également président du Comité spécialisé scientifique temporaire Evaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France mis en place le 10 septembre 2018 par l’ANSM (Agence de sécurité du médicament et des produits de santé).
Rapporteur(s)
Michel Ducreux et Olivia Ribardière
Membres du groupe de travail
Philippe Amiel, Michel Ducreux, Patrick Gaudray, Marie Lanta, Olivia Ribardière
Descriptif saisine
Madame A a saisi le Comité éthique et cancer au sujet de l’usage thérapeutique du cannabis pour soulager la douleur dans un contexte de soins.
Madame A a été diagnostiquée d’un cancer lorsqu’elle avait 27 ans. A la suite de nombreuses interventions (tumorectomie, radiothérapie, double mastectomie prophylactique) ou traitements (chimiothérapie, hormonothérapie), elle a été confrontée à des douleurs intenses et chroniques que l’équipe soignante n’a pu endiguer dans de bonnes conditions, proposant anxiolytiques et antalgiques opiacés que Madame A supporte mal.
Pour soulager ses douleurs, un proche, par ailleurs soignant, lui a suggéré l’utilisation de cannabis sous diverses formes. Cette dernière a constaté un apaisement des douleurs, des nausées, a retrouvé de l’appétit ; et sa qualité de vie a, de ses propres dires, été largement améliorée. Depuis, Madame A évoque ouvertement cette consommation dans le cadre de ses soins, le personnel médical ne s’y opposant pas, au contraire parfois.
Cependant, Madame A s’interroge sur les barrières à l’usage thérapeutique du cannabis. D’abord, le produit en lui-même, porteur de représentations sociales fortes, peut rendre difficile la capacité des personnes à en parler sans craindre diverses formes de jugements. Par ailleurs, le caractère illicite de cette consommation expose les personnes malades souhaitant s’en procurer à divers risques, y compris juridiques, pour un usage permettant pourtant d’améliorer leur qualité de vie. Enfin, si un produit à base de THC, le Sativex® a une autorisation de mise sur le marché, les difficultés sur la négociation du prix et la restriction importante des pathologies concernées par ce traitement rendent, à ce jour, l’accès impossible en France.
Dès lors, Madame A interroge le Comité éthique et cancer sur le caractère « inéthique » de l’interdiction du cannabis dans un contexte thérapeutique, notamment au regard du principe de non-malfaisance, comparant cette interdiction à « un refus de soins » de la part des autorités. C’est ce que le Comité éthique et cancer se propose d’examiner, en restreignant son analyse à un cadre médical : intérêt de l’utilisation du cannabis pour soulager la douleur et améliorer la qualité de vie, et risques afférents à ce type de consommation dans le contexte actuel.
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