Avis n°15

du 03 mars 2011
Annonce de résultats d’anapathologie et de radiologie, dispositif de bonnes pratiques à suivre

Le service d’anapathologie d’un CHU de Guadeloupe a saisi le comité éthique et cancer, par l’intermédiaire du président du comité de Guadeloupe de la Ligue contre le cancer, concernant les modalités de transmission des résultats d’anapathologie de cancer aux patients.
En tenant compte de toutes les lois en vigueur, réglementations, droits des patients, déontologie, Plans cancer, consultations dites “d’annonce”…, peut-on continuer à remettre en main propre aux patients, certes sous pli fermé adressé au médecin référent, un résultat sans explication sur lequel figure le diagnostic histologique d’un cancer, en avançant au patient que cela lui évite de devoir revenir au CHU ?
Cette méthode est « souvent bien acceptée ». Mais qu’en est-il de ceux qui viennent chercher leurs résultats au laboratoire, ouvrent immédiatement le pli fermé adressé au médecin et s’effondrent au milieu de la salle d’attente ? Quelles sont les recommandations à suivre ? Cette problématique peut se poser également dans le cadre de la transmission des résultats de radiologie.
Juridiquement, existe-t-il une procédure particulière concernant cette situation ? Quelle est la pratique à adopter dans ces circonstances ?


 

Par rapport à la saisine initiale, le groupe de travail considère qu’il convient de distinguer plusieurs cas de figure : tout d’abord, l’anatomopathologie d’un côté, la biologie et la radiologie de l’autre.
• Anatomopathologie. Dans les circonstances habituelles de découverte d’un cancer, il est rare que le médecin anatomopathologiste voie directement le patient pour lui remettre les résultats. En règle générale, le compte rendu d’anatomopathologie est adressé au médecin prescripteur qui en informe alors le patient. Dès lors, au regard de la situation la plus courante, le problème relatif aux conditions d’annonce d’un diagnostic au sein d’un laboratoire d’anatomopathologie se pose peu. Cependant, lorsqu’un tel cas de figure se présente, il revient à l’anatomopathologiste de se conformer aux recommandations préconisées ci-après.
• Biologie et radiologie. Concernant ces deux spécialités médicales, le groupe de travail estime qu’il est nécessaire de différencier les situations en fonction du lieu d’exercice.
- Dans le cas d’un laboratoire d’analyses ou d’un cabinet de radiologie hospitaliers, implantés dans l’établissement où est pris en charge le patient, la situation la plus fréquente est que les résultats sont directement transmis au médecin prescripteur de l’établissement qui peut alors en informer le patient lors d’une consultation. Il peut arriver cependant qu’un compte rendu de résultats soit remis directement au patient. Il convient alors que cette remise du compte rendu précède de peu (de préférence dans l’heure qui suit) une consultation avec le médecin prescripteur.
- Dans le cas d’un laboratoire d’analyses ou d’un cabinet de radiologie privés, la situation est plus problématique. La question est de savoir si, devant un résultat évocateur d’une maladie grave – en l’occurrence la suspicion d’un cancer, que cette suspicion soit forte ou ténue –, le professionnel de santé détenteur de cette information doit ou non en informer la personne concernée et, si oui, de quelle manière.

Comment délivrer l’information ?

Pour les membres du groupe de travail, à l’unanimité, il ne fait aucun doute que l’information doit être communiquée. Il n’existe pas d’autre possibilité. Ce principe est en accord avec la loi sur les droits des malades de mars 2002, qui stipule que « toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé ».
Ce point étant acquis, il importe alors de définir les modalités selon lesquelles l’information doit être délivrée. Plusieurs aspects ont été consensuellement émis par le groupe de travail :
- Les modalités d’information relèvent des bonnes pratiques issues de l’éthique médicale. C’est donc une question qui concerne principalement les professionnels de santé au regard de l’exercice de leur activité médicale.
- La communication d’un résultat de radiologie ou de biologie amène rarement à établir un diagnostic de certitude, même si dans certains cas la suspicion peut être forte. De fait, le professionnel de santé se doit de donner une information sur ce résultat et d’évoquer les conséquences possibles en termes de diagnostic, mais aussi d’expliquer la démarche nécessaire pour l’établir. Ainsi, l’annonce d’un résultat doit toujours être contextualisée et relativisée.
- Il ne peut d’ailleurs en être autrement puisque, bien souvent, le biologiste ou le radiologue n’ont qu’une connaissance partielle du dossier médical de la personne. L’intervention du radiologue ou du biologiste s’inscrit dans un parcours de prise en charge qui sera poursuivi ou initié à l’issue de l’obtention du résultat. Cette intervention ne peut être considérée comme étant totalement isolée.
- De fait, la communication d’un résultat doit systématiquement inscrire le patient dans une relation médicale, le plus évident étant d’inviter ce dernier à consulter sans tarder le médecin prescripteur de l’examen.
- Idéalement, le médecin prescripteur, parce qu’il n’a pas fait réaliser l’examen totalement au hasard (sauf découverte fortuite après un examen prescrit dans un autre but), devrait prévoir l’éventualité de la découverte d’un résultat évocateur d’un cancer et donc organiser une consultation d’annonce éventuelle à son patient. Pour cela, il peut notamment programmer une consultation immédiatement après la date attendue d’obtention du résultat de l’examen prescrit.

Les bonnes pratiques

En définitive, le groupe de travail considère que l’attitude du biologiste ou du radiologue dans l’annonce d’un résultat évocateur d’une maladie telle qu’un cancer doit respecter le principe de bienfaisance ou, à défaut, celui de non-malfaisance, afin de préserver au mieux les intérêts du patient. Pour cela, un certain nombre de bonnes pratiques peuvent être préconisées :
- Recevoir le patient dans une pièce fermée afin de lui présenter, au cours d’un entretien individuel, le résultat de l’examen de manière progressive et sans forcément entrer dans tous les détails de sa signification potentielle.
- Relativiser la signification du résultat en indiquant qu’il ne peut à lui seul permettre d’établir un diagnostic de certitude.
- Inviter le patient à consulter sans tarder le médecin prescripteur et/ou son médecin traitant afin qu’il lui explique en détail, au regard de sa situation médicale, la signification du résultat et la démarche à engager afin d’établir un diagnostic de certitude.
- Mesurer la manière dont le patient reçoit l’information et, notamment, évaluer le degré d’anxiété que celle-ci engendre. En cas d’anxiété visiblement importante, poursuivre l’entretien de manière à apaiser dans la mesure du possible le patient, essayer d’organiser un rendez-vous rapide avec le médecin prescripteur et/ou le médecin traitant, s’assurer qu’un proche du patient l’accompagne ou peut le retrouver rapidement.
Ces différentes démarches ou attitudes ne nécessitent pas forcément un entretien de longue durée et paraissent donc compatibles avec l’exercice dans un cabinet libéral.

Cas de malfaisance

Les membres du groupe de travail estiment que doivent être considérées comme inadéquates les pratiques suivantes :
- La remise en main propre au patient, que ce soit par le médecin ou par son secrétariat, d’un compte rendu écrit où figure un résultat évocateur d’une maladie grave sans aucune explication verbale sur ce résultat.
- Le fait pour le médecin de remettre un compte rendu écrit en énonçant une parole de certitude par rapport à un diagnostic.
- Le fait de ne pas inviter le patient à consulter rapidement le médecin prescripteur et/ou son médecin traitant afin que l’information sur le résultat puisse être poursuivie dans une relation médicale et qu’elle conduise à une prise en charge.

Cas particuliers

La situation, certes relativement peu fréquente, de personnes qui, de leur propre chef, s’adressent à un cabinet de radiologie ou de biologie pour passer un examen particulier (par exemple le dosage du PSA pour les hommes) a par ailleurs été évoquée. Il semble que les dispositions réglementaires actuelles ne permettent ni aux biologistes ni aux radiologues de refuser à ces personnes la réalisation de l’examen demandé, même si cette requête se situe en dehors de toute prescription médicale. En cas de résultat évocateur d’une maladie grave, le médecin peut se conformer aux recommandations déjà présentées. Cependant, le risque est grand que le patient, une fois sorti du laboratoire, se retrouve totalement seul face à l’information qui vient de lui être communiquée.
La recommandation du groupe de travail dans ce type de situation est qu’il soit demandé à toute personne se présentant pour un examen sans ordonnance qu’elle indique, avant que ce dernier ne soit réalisé, le nom et les coordonnées de son médecin traitant. Ainsi, le cas échéant, le radiologue ou le biologiste auront la possibilité d’entrer en contact avec le médecin traitant, de l’informer de la situation et d’organiser une consultation rapide avec celui-ci, afin que l’annonce du résultat puisse s’inscrire dans une relation médicale suivie et conduise à une démarche diagnostique et à une prise en charge.