« Je m’appelle M-C. et mon mari a un cancer des os. C’est très dur, même s’il ne se plaint jamais. Il ne pose de question à personne et du coup j’ai du mal à savoir. Il y a trois jours, j’ai demandé au docteur de m’expliquer et de me dire si je pouvais rencontrer d’autres personnes comme moi à l’hôpital. Il m’a renvoyé vers l’infirmière qui m’a renvoyé à son tour vers internet en disant que j’aurai les informations et que je pourrai trouver des gens avec qui échanger. Elle a même précisé des « copines à qui parler et qui vivent la même chose ». Et c’est tout. Je suis sidérée. Internet, c’est pour les vacances ou la météo. Quand je tape cancer, soit c’est n’importe quoi, soit c’est trop compliqué et je n’ai pas envie de parler à un ordinateur ! »
Les échanges d’expériences et de conseils entre malades par l’intermédiaire d’internet peuvent-ils se substituer aux rencontres physiques ? Internet est-il, dans la relation à autrui, une solution pour partager une expérience de vie difficile telle que la maladie cancéreuse ? Les professionnels de santé peuvent-ils conseiller cet outil à cette fin ? Dans quelle mesure l’orientation de la personne malade vers internet est-elle une réponse au besoin de lien manifesté ?
Au travers de son message, cette femme exprime plusieurs demandes. Tout d’abord, elle souhaiterait être informée plus amplement de la situation de son mari, sachant que ce dernier ne lui en dit apparemment rien ou presque. Cela pose la question de l’information des proches par les professionnels de santé, question que le comité a abordée antérieurement, notamment dans ses avis n°1 (Problème éthique posé par l’opposition entre le secret professionnel garant de l’intimité du patient et l’assistance à une famille en détresse – 19/09/2008), n°14 (De l’inéthiquité de l’annonce d’un pronostic de délai de décès - 14/02/2011), et n°23 (Désarroi d’une équipe soignante face à une patiente s’opposant à la divulgation de son état de santé auprès de ses proches - 03/05/2013).
Par ailleurs, cette femme exprime le besoin de rencontrer d’autres personnes vivant ou ayant vécu la même situation qu’elle. Face à cette demande, tout autant qu’à la première, l’oncologue lui aurait opposé une fin de non-recevoir en la renvoyant vers une infirmière. Cette dernière agit de la même manière en lui conseillant de consulter internet. Cela témoigne d’un dysfonctionnement dans l’accueil des proches par l’équipe soignante pluridisciplinaire. Ce dysfonctionnement peut sans doute résulter de nombreuses causes (surcharge de travail, stress ou respect du secret médical par exemple) qui n’en constituent pas pour autant une justification. Quelles qu’aient été les raisons du comportement de l’équipe soignante, celles-ci ne sont pas acceptables.
Il est tout à fait remarquable que l’attitude de l’équipe soignante et son renoncement à sa responsabilité ont été facilités par le possible recours à internet. Au-delà du fait qu’il s’agit d’une solution de facilité apparente, force est de constater qu’internet n’est pas une panacée, et qu’il ne constitue pas nécessairement une réponse adéquate à ce type de demande. Dans la situation qui est la sienne, cette femme avait besoin qu’on lui consacre du temps, ne serait-ce que pour tenter de dénouer ce qui bloque la communication avec son mari au sujet de son état de santé, et permettre un dialogue au sein du couple. Il eût été sans doute tout aussi facile de conseiller à cette femme de prendre contact avec une association, comme la Ligue contre le cancer, ou de se rendre dans un espace d’information tel qu’un ERI (Espace de Rencontres et d’Information) afin d’être orientée de façon beaucoup plus adéquate.
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