L’intérêt des politiques et des mesures de prévention paraît évident : la prévention, lorsqu’elle est efficace, permet d’éviter ou de diminuer nombre de maladies à des populations diverses qui sont, derrière leur présentation collective, formées d’une multitude de personnes individualisables. Ce postulat soulève déjà la difficulté première des politiques de santé publique, qui doivent concilier logiques individuelles et collectives, respect de l’autonomie des individus et recherche du bien-être collectif.
Ces politiques posent de fait différentes questions en raison de leur caractère normatif, c’est-à-dire de la position, qu’elles adoptent par construction, qu’il existe de bons et de mauvais comportements de santé – ou, moins brutalement dit, des comportements meilleurs que d’autres et qui doivent être favorisés et, par conséquent, des comportement moins bons et qui doivent être découragés. On a bien sûr à l’esprit la prévention des maladies infectieuses et les débats sur la vaccination. Mais la prévention des cancers présente des particularités parce qu’elle s’inscrit dans le temps long des comportements quotidiens (nutrition, activité physique, notamment) avec une réponse très à distance et parfois difficile à évaluer à l’échelle individuelle.
C’est sur cet aspect de la prévention au long cours visant des personnes saines (on parle de prévention « primaire »[1]) auxquelles on souhaite éviter des maladies qui, le cas échéant, ne surviendront que dans de nombreuses années, que le Comité éthique et cancer a souhaité, en s’auto-saisissant, partager ses réflexions et propositions dans le prolongement de celles initiées par la Ligue contre le cancer.
[1] On distingue classiquement la prévention primaire qui agit en amont de la maladie (ex : vaccination et action sur les facteurs de risque), la prévention secondaire qui agit à un stade précoce de son évolution (dépistage), et la prévention tertiaire qui agit sur les complications et les risques de récidive. Haute Autorité de Santé, 2006 : https://www.has-sante.fr/jcms/c_410178/fr/prevention
Ce qu'il faut retenir
La prévention primaire des cancers – qui intervient avant la survenue des maladies pour les éviter – est source de multiples bénéfices pour la société et pour les personnes. Pour autant, les actions de prévention peuvent énoncer des injonctions sans offrir à tous de réels moyens d’agir. Elles peuvent également conduire à stigmatiser ceux qui n’adoptent pas les comportements recommandés. Elles peuvent enfin, lorsqu’elles consistent essentiellement en actions de communication, conduire à négliger les populations les moins réceptives aux messages, qui sont aussi souvent les plus vulnérables. Le Comité suggère que des comités de réflexion éthique pluridisciplinaires et participatifs soient systématiquement constitués pour accompagner au plus près de leur mise en œuvre, à l’échelle localement la plus pertinente, les actions de prévention qui intéressent le sort des grandes maladies chroniques comme le cancer.
Voir présentation vidéo des principaux messages de l’avis par Agnès Dumas, sociologue et membre du Comité éthique et cancer :