Jusqu’à quand doit-on céder au désir d’un malade en situation grave de retourner à son domicile ? La violence morale ou physique exercée par un patient sur les membres d’une équipe HAD peut-elle justifier l’interruption de la prise en charge ?
Saisine discutée
lors de la 7ème session plénière du Comité éthique et cancer du 22 février 2010
Personne(s) auditionné(es)
Marilène Lacaze, infirmière principale (IGR), Joséphine Loteteka, médecin coordonnateur et référent soins palliatifs (Santé service), Nathalie Lejeune, cadre de santé (Santé service) et Stéphane Delage, cadre de santé (Santé service).
Rapporteur(s)
Philippe Amiel, Daniel Oppenheim et Olivia Ribardière
Descriptif saisine
Une jeune femme de 26 ans, vivant seule avec son enfant âgé de dix mois, est prise en charge à partir de 2006 dans un centre hospitalier pour un adénocarcinome papillaire séreux inopérable. Après une première ligne de chimiothérapie, une pelvectomie et une iléostomie non définitive sont réalisées, permettant de diagnostiquer une carcinose péritonéale. Une deuxième ligne de chimiothérapie associée à un anti-angiogénique n’est pas plus efficace et s’accompagne d’une hypertension qui devient chronique. D’importants saignements au niveau de l’iléostomie surviennent à plusieurs reprises. Cette patiente présente également des problèmes infectieux récurrents nécessitant un séjour en service de réanimation. Malgré de multiples séjours hospitaliers, cette patiente exprime systématiquement le souhait de rentrer chez elle. Une hospitalisation à domicile (HAD) est ainsi mise en place et confiée à une association spécialisée. Celle-ci se charge de la chimiothérapie, de la nutrition parentérale et des soins de stomie. L’HAD est tout d’abord effectuée au domicile de la patiente, puis à celui de ses parents, où vivent également sa sœur, son mari et leur enfant.
Tout en étant très affectée par sa maladie, cette patiente exprime une forte volonté dans ces choix, à l’égard des traitements comme des soignants, à qui elle tend à imposer ses règles, notamment dans l’organisation des soins. Se disant « harcelée », elle refuse ainsi à plusieurs reprises d’ouvrir sa porte à l’infirmière de l’association. Les intervenants déclarent avoir fait tout ce qu’ils pouvaient pour l’aider, réorganisant notamment les plannings en fonction de ses demandes. Les équipes de l’association se disent cependant rapidement « épuisées ».
Début 2010, alors qu’une infirmière procède aux soins, l’enfant de la sœur de la patiente prend une seringue qu’elle venait d’utiliser. L’infirmière réprimande l’enfant. Les parents s’en prennent alors à l’infirmière et l’agressent physiquement. À la suite de cet incident, l’association s’adresse au centre hospitalier, qui propose une hospitalisation à la patiente. Celle-ci refuse. L’association lui remet une liste d’infirmières libérales susceptibles d’assurer les soins et décide alors de stopper la prise en charge. Quelques jours plus tard, la patiente est hospitalisée pour une altération très importante de son état général et une déshydratation sévère. Elle tombe dans le coma et décède quarante-huit heures plus tard.
Les responsables du centre hospitalier et de l’association sollicitent le comité éthique et cancer pour être éclairés sur l’enchaînement des événements et les manquements qui ont pu conduire à ce dénouement tragique. Ils posent également la question de savoir comment réagir à un épisode de violence physique comme celui qui s’est produit, et si cela peut justifier un arrêt des soins.